Effigies intérieures

Un ruban sale, un chiffon déchiré, un drap fané, une peluche éventrée, un bas filé, une vieille sangle en tissu, un morceau de ficelle esseulé, des fibres végétales et animales inutilisées...

La déambulation est permanente. La collecte, obsessionnelle, prend la forme soit d’une transe de rue difficile à interrompre, soit d’une errance désespérée dans les armoires familiales ou les brocantes. Sauver de l’abandon et de l’oubli des morceaux d’objets anciens, abîmés, voués au désintérêt ou à la disparition, est devenu une quête urgente, pulsionnelle, irrépressible. Recueillir ces fragments de vécus anonymes ou familiers initie un acte salvateur, il apaise la dispersion, exorcise le vide en convoquant la mémoire enfouie.

Ces matériaux - mis de côté dans l’atelier, alignés ensemble, en conservant l’état dans lequel ils ont été trouvés - passent le temps, attendent, se fréquentent, et acquièrent une charge de sens supplémentaire, venant s’ajouter à la vitalité résiduelle dont ils étaient déjà porteurs.

Fragments de vécus, anciens réceptacles d’émotions et résidus d’intentions, ils deviennent un vocabulaire intime ; leur traitement par assemblage, modelage, imprégnation et emballage, nouage et tissage, libations et onctions successives de porcelaine ou de chaux, est à la fois cathartique, thérapeutique et producteur d’une nouvelle charge symbolique.
En pansant la matière de plusieurs couches d’un baume blanc, en la contenant par le fil, le noeud ou l’enveloppe textile, le rituel personnel est là pour réparer, purifier la souillure sans nier son existence, conjurer toute menace de perte ou de séparation, apprivoiser l’insaisissable des émotions non formulées, l’indicible qui n’est jamais parvenu à prendre forme. C’est un geste structurant destiné à réanimer et recharger de sens une histoire désarticulée, une tentative de reconstituer l’être éparpillé au fil de son vécu, lui redonner chair et souffle.

Ces effigies incarnent des états intérieurs et prennent la forme de reliques pour ressusciter, conserver et ne pas oublier, ou de fétiches pour exhumer, figurer et resacraliser l’histoire intime. Elles sont des multiples de soi à rassembler et racontent le trajet d’un corps en morceaux en perpétuelle reconquête de sens et d’unité.
Toutes, en donnant forme, sauvent.
Effigie 1 - Embaumement - 2019 Laine, céramique (porcelaine, grès)
50x15x8
Effigie 10 - Fétiche - 2021 Textile synthétique, kapok, porcelaine crue
82x20x21
Effigie 11 - Fétiche - 2021 Fil de laine, soie, métal, bois, chaux, porcelaine crue
115x8x7
Effigie 12 - Reliquaire - 2021 Fil de coton, bois, sangle coton, métal, céramique (porcelaine)
35x27x12
Effigie 13 - Reliquaire - 2021 Coton, mousse synthétique, dentelle, céramique (porcelaine) et porcelaine crue
53x33x8
Effigie 14 - Reliquaire - 2021 Soie, coton, fibres végétales, cheveux, porcelaine crue
50x22x5
Effigie 16 - Fétiche - 2021 fibres de coton, sangle de matelas, porcelaine crue
40x18x15
Effigie 2 - Fétiche - 2018 Textile synthétique, fil de fer
50x13x6
Effigie 3 - Fétiche - 2017 Cordelettes, fil de coton, filasse, plâtre
30x10x7
Effigie 4 - Fétiche - 2021 Textile synthétique, chanvre, bobine de fil en bois
50x10x5
Effigie 5 - Amulette - 2017 Textile synthétique, kapok, fil de coton
14x8x7
Effigie 6 - Fétiche - 2017 Textile synthétique, fil de coton, argile blanche crue
72x17x17
Effigie 7 - Allégorie - 2017 Textile synthétique, kapok, fil de fer, fil de coton
43x22x20
Effigie 8 - Fétiche - 2020 Textile synthétique, cheveux synthétiques, fil de coton
58x14x14
Effigie 9 - Fétiche - 2018 Textile synthétique, kapok, fil de coton
53x7x7